Jean Thurel, l'étonnante histoire du soldat centenaire
Il
y a quelques semaines, j'évoquais ici à l'occasion du partage d'un
reportage de l'émission Envoyé
Spécial la
polémique sur Jeanne Calment, dont le record de longévité de 122
ans est au centre de débats parmi les chercheurs et les
scientifiques depuis plusieurs mois. À l'heure où
j'écris ces lignes, du fait de la fragilité de l'argumentation
dissidente, il semble que la plus célèbre des arlésiennes conservera encore
un moment son statut particulier d’être humain
ayant vécu le plus longtemps. Mais m'étant depuis longtemps intéressé
à ce sujet, il m'est souvent arrivé de chercher les histoires de
ces personnes qui semblent défier les lois de la nature qui
s'appliquent au commun des mortels.
Depuis
le temps que j'explore ces histoires de personnes qui ont atteint des
âges très avancés à travers les siècles, il en est une qui m'a
toujours marquée tant elle est des plus étonnantes et constitue une
véritable curiosité historique. Ce destin peu commun est celui d'un
militaire français du XVIIIe siècle nommé Jean Thurel (aussi parfois orthographié Theurel selon les sources). Si ce nom
ne vous dit peut-être rien, il fut en son temps une célébrité
grâce à son extraordinaire longévité. En effet, il est né en
1699 et n'est mort qu'en 1807, soit à l'âge de 107 ans, c'est-à-dire une
extrême vieillesse pour l'époque.
Au
cours de sa très longue vie qui commença sous Louis XIV, il a
effectué son engagement militaire durant plus de 70 ans, servit sous
Louis XV, rencontra le roi Louis XVI, traversa la période
révolutionnaire et fut l'un des premiers à être nommé à la Légion d'Honneur sous Napoléon Ier. Jean Thurel
est une personne au destin hors du commun... à moins qu'à l'origine
de ce destin ne se trouve en réalité une habile supercherie qui sût traverser le temps.
Comme
l'actualité sur Jeanne Calment m'a fait me pencher de nouveau sur
l'histoire du célèbre soldat centenaire, je me suis dit qu'il serait
intéressant de revenir sur le parcours de Jean Thurel,
des grandes étapes de sa vie à la mise en doute de la véracité de sa
longévité.
Portrait de Jean Thurel (1699-1807) réalisé par le peintre Antoine Vestier (1740-1824) en 1804.
Une vie hors du commun...
Fils
de laboureurs, Jean Thurel voit le jour le 8 septembre 1699 à Orain
et passe son enfance au début du XVIIIe siècle dans ce petit coin
de Bourgogne. Si le destin semblait tout tracé et que le petit Jean allait exercer le même
métier que ses parents, il décida cependant à 17 ans de
s'engager dans l'armée. C'est ainsi qu'il devint fusilier dans le
régiment de Touraine en 1716. Ce n'est toutefois qu'avec le
déclenchement de la guerre de succession de Pologne en 1733, qui
oppose la France, l'Espagne, la Sardaigne et la Bavière à la Russie
et l'Autriche, que Thurel participe à des batailles.
Au cours de ce conflit engendré par la vacance du trône de Pologne après la mort du roi Auguste II qui dura jusqu'en 1738, le trentenaire est blessé par une balle mais s'en sort. Une fois la guerre en Pologne terminée par le traité de Vienne (qui fait notamment que Stanislas Lesckzynski, beau-père de Louis XV, renonce à la couronne polonaise au profit d'Auguste III mais reçoit les duchés de Lorraine et de Bar qui deviendront français à sa mort), Jean s'engage jusqu'en 1744 dans la cavalerie au sein d'un régiment de dragons, avant de s'intégrer dans un autre régiment.
Notre militaire, désormais quadragénaire, fait de nouveau l'expérience de la guerre à l'occasion de la bataille de Fontenoy, en Belgique, contre les anglais et les hollandais en 1745 lors d'un nouveau conflit européen ayant pour enjeu la succession Habsbourg sur des terres. Si la France remporte le 11 mai la victoire et occupe les Pays-Bas autrichiens et les Provinces Unies, trois des frères de Thurel meurent sur le champ de bataille. Au cours de son service, Jean se montre un soldat exemplaire. Après cette guerre, il prend un congé bien mérité et revient à son village natal d'Orain pour se marier en 1750 avec une jeune fille de 22 ans. Un premier enfant naît de cette union l'année suivante, puis trois autres, en 1767, 1769 et 1773.
Au cours de ce conflit engendré par la vacance du trône de Pologne après la mort du roi Auguste II qui dura jusqu'en 1738, le trentenaire est blessé par une balle mais s'en sort. Une fois la guerre en Pologne terminée par le traité de Vienne (qui fait notamment que Stanislas Lesckzynski, beau-père de Louis XV, renonce à la couronne polonaise au profit d'Auguste III mais reçoit les duchés de Lorraine et de Bar qui deviendront français à sa mort), Jean s'engage jusqu'en 1744 dans la cavalerie au sein d'un régiment de dragons, avant de s'intégrer dans un autre régiment.
Notre militaire, désormais quadragénaire, fait de nouveau l'expérience de la guerre à l'occasion de la bataille de Fontenoy, en Belgique, contre les anglais et les hollandais en 1745 lors d'un nouveau conflit européen ayant pour enjeu la succession Habsbourg sur des terres. Si la France remporte le 11 mai la victoire et occupe les Pays-Bas autrichiens et les Provinces Unies, trois des frères de Thurel meurent sur le champ de bataille. Au cours de son service, Jean se montre un soldat exemplaire. Après cette guerre, il prend un congé bien mérité et revient à son village natal d'Orain pour se marier en 1750 avec une jeune fille de 22 ans. Un premier enfant naît de cette union l'année suivante, puis trois autres, en 1767, 1769 et 1773.
Revenu
au sein du régiment de Touraine en 1750, Thurel, maintenant âgé de
plus de cinquante ans, se trouve plongé dans un nouveau conflit,
celui de la guerre de Sept Ans. Nouvelle confrontation des grandes puissances européennes, le nœud du problème fut encore une histoire de territoires, l'Autriche voulant reprendre la région de la Silésie à la Prusse, ce qui se combina avec un contexte de rivalité coloniale entre la France et l'Angleterre. Au cours de cette guerre, Jean Thurel s'illustre en 1759 à la bataille
de Minden. Malgré les lourdes pertes, la défaite française et les
blessures qu'il reçoit, Jean survit à la bataille. La France,
vaincue par l'Angleterre, perd ses principales colonies (parmi
lesquelles notamment le Canada et l'Inde) par la signature du traité de Paris
en 1763 et Thurel continue tranquillement son parcours militaire
durant la paix qui s'ensuit.
Sous le règne de Louis XV, Jean Thurel participe à plusieurs batailles, comme celle de Minden (1759), durant la guerre de Sept ans.
En
1774, le roi Louis XV s'éteint et son petit-fils lui succède sous
le nom de Louis XVI. Si dans un premier temps la vie continue
paisiblement pour Jean Thurel dans son régiment, les événements de
l'autre coté de l'Atlantique connaissent une grande évolution, que l'on qualifiera bientôt de "révolution américaine". En
effet, lorsque les 13 colonies britanniques en Amérique du Nord
déclarent leur indépendance de l'autorité du roi George III en réaction à des taxes trop élevées et le refus de la métropole de leur accorder une représentation politique, un
conflit éclate entre l'Angleterre et ses colons d'Amérique. Si la situation est d'abord défavorables aux révoltés dans leur opposition à l'armée anglaise, le vent change lorsque les américains se trouvent des alliés. Poussé
par La Fayette, le roi Louis XVI engage en 1780 la puissance de la France dans
cette guerre pour soutenir les révoltés des Etats-Unis naissants.
Et parmi les régiments militaires français qui sont envoyés vers
le Nouveau Monde se trouve celui de Touraine, où figure encore Jean
Thurel, âgé à cette date de quatre-vingt ans. Sans doute le plus
vieux soldat de cette campagne, Jean participe à plusieurs
batailles, notamment celle de Yorktown (en Virginie) en 1781 qui vit la capitulation du général anglais Cornwallis face aux armées de l'étasunien George Washington et du français Rochambeau (dans laquelle se trouvait Thurel). Le vieux soldat perd cependant au combat son
fils l'année suivante. Avec la victoire
des insurgés américains en 1783, le régiment de Thurel peut
revenir en France et le vieux soldat décide de continuer son
engagement en son sein.
L'octogénaire
refait parler de lui à la fin de l'année suivante, en 1784, lorsqu'il
envoie une requête pour obtenir une augmentation de sa petite
pension. Grâce à la mise en avant de son grand âge et de ses états
de service dans l'armée, celle-ci passe de 90 à 200 livres par an.
En
1787, après un épisode rocambolesque où le vieil homme de 88 ans voulut rejoindre son régiment à pied tout seul plutôt que d'accompagner les autres, un nouvel événement marquant de la vie de Jean Thurel a lieu.
En effet, sur la proposition de son colonel Mirabeau, il doit se
rendre à Paris pour rencontrer le roi. La rencontre se tient le 8
novembre. Durant cette journée, le vieux soldat fut
reçu avec bienveillance par Louis XVI et ses deux frères (les futurs
Louis XVIII et Charles X), et obtint par des grands militaires de la cour également des récompenses financières
supplémentaires pour son engagement hors du commun dans les armées
de la monarchie.
Déjà
auréolé de deux médaillons des deux épées pour la durée de son
service militaire (un médaillon récompensant 24 ans de service et notre soldat en ayant fait plus du double), Jean Thurel profite de cette occasion pour se
réengager une nouvelle fois dans le régiment de Touraine, ce qui lui offre en
1788 un troisième exemplaire de cette distinction et certains
avantages (notamment en terme de fiscalité). Jean Thurel restera par
la suite le seul militaire français à avoir obtenu dans sa carrière
militaire le triple médaillon de vétérance. La renommée de ce
soldat au parcours extraordinaire grandit dans les journaux et parmi ses contemporains. C'est ainsi que son portrait en début de cet
article est réalisé en 1788 par Antoine Vestier.
Mais
alors que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes,
l'année 1789 pointe le bout de son nez et avec elle arrive la
Révolution Française. En cette année, le régiment de Touraine auquel
appartient encore et toujours Jean Thurel essuie une disgrâce après
une altercation dans les environs de Laval, en Mayenne. Alors que le
climat politique évolue vite et que la monarchie s'effondre lentement mais sûrement, le régiment de Touraine part en roue
libre en 1790 et Mirabeau, devenu député à la Constituante, doit
revenir s'en occuper mais les retrouvailles avec le régiment se
passent mal (une bagarre éclate) et à la suite d'un sacrilège
républicain, Mirabeau se retrouve mis en cause. Cette affaire n'éclabousse pourtant pas tellement Thurel, qui
reste encore dans ce régime malgré son grand âge de 90 ans. Le
régiment de Touraine change par ailleurs de nom en 1791 en devenant
le 33e régiment d’infanterie et passe par Retz, Bayeux et
Cherbourg.
Enfin,
à 92 ans, Jean Thurel se dit qu'il est peut-être temps pour lui de
profiter d'une retraite bien méritée et décide de partir pour la
pension. Fort de ses quelques trois quarts de siècle de service dans
l'armée, le gouvernement révolutionnaire décide d'accorder au vieil homme une
pension annuelle de 600 livres, somme à laquelle est rapidement
ajoutée 300 livres du fait d'une aide octroyée aux anciens
pensionnaires. Thurel s'installe ensuite avec sa famille à Tours, où
il passe tranquillement les années de la période de la Révolution, voyant passer la République, la Terreur, le Directoire et le Consulat.
Les
dernières années de la vie de ce personnage qui attise de plus en
plus la curiosité de ses contemporains ne sont pas non plus de tout
repos. En effet, profitant de la création d'une compagnie de
vétérans par le consul Napoléon Bonaparte en 1800, Jean Thurel se
réengage une nouvelle fois, bien que sa vieillesse lui interdise le
service effectif. Il obtient le droit d'avoir les mêmes rations que
les autres soldats, un peu d'argent en plus et vit dans la caserne.
En 1801, âgé désormais de 103 ans, le célèbre vieux militaire
est le sujet d'un article dans un journal de l'époque, La
Gazette nationale, où il est décrit comme ayant une bonne santé
et aime se promener. Personnalité de Tours, il participe à une
cérémonie autour d'un arbre de la liberté. L'année suivante, Jean
Thurel continue d'étonner ses voisins en supportant bien la canicule
et en défilant même dans les rues de la ville aux cotés d'un enfant. Dans
le même temps, le brave centenaire est distingué par les
personnalités importantes de Tours (il dîne par
exemple régulièrement avec le général Paul Thiébault) et de
plus loin puisque le bientôt empereur Napoléon décide d'augmenter sa pension en la
portant à plus de 1500 francs. Enfin, ultime honneur, Jean Thurel
est en 1804 l'un des premiers à recevoir la Légion d'Honneur.
Finalement, Thurel meurt trois ans plus tard, le 10 mars 1807, à l'âge extrêmement avancé pour l'époque de 107 ans et demi. Il est enterré quelques jours plus tard et ses funérailles furent suivies par les habitants de la ville et des personnalités militaires, comme en témoigne le relation qu'en fait La Gazette nationale :
Avec
le temps, Jean Thurel demeura une célébrité locale et une curiosité
de l'Histoire grâce à son extraordinaire longévité et aux nombreux épisodes de sa biographie.
Mais
un cas aussi extraordinaire pour l'époque n'est-il pas trop beau pour être vrai ?
Avant de passer au travail de recherche qui remet de nos jours sa longévité en cause, je vous laisse un petit récapitulatif chronologique de la vie "officielle" de Jean Thurel (en gras, les événements qui me semblent les plus significatifs) :
1699 : le 8 septembre, naissance à Orain.
1716 : enrôlement dans le régiment de Touraine au poste de fusilier.
1733 : mobilisation dans la guerre de succession de Pologne.
1738 : Thurel quitte le régiment de Touraine puis s'engage dans le régime de dragons de Bauffremont.
1744 : Thurel quitte le régiment de dragons de Bauffremont et s'engage dans un régiment de la cavalerie en Anjou.
1745 : mobilisation dans la guerre de succession d'Autriche et bataille de Fontenoy.
1750 : mariage avec Anne Rabiet.
1751 : naissance de son premier fils, Dominique.
1759 : bataille de Minden au cours de la guerre de Sept ans.
1767 : naissance de son second fils, Jean-Baptiste.
1769 : naissance de sa première fille, Jeanne.
1773 : naissance de sa seconde fille, Madeleine Nicole.
1780 : départ pour la guerre d'indépendance américaine.
1781 : bataille de Yorktown.
1782 : décès de son fils Dominique au cours de la campagne américaine.
1783 : retour du régiment en France.
1784 : demande l'augmentation de sa pension.
1787 : rencontre le roi Louis XVI à Paris.
1788 : reçoit la triple médaille de vétérance.
1792 : départ pour la pension, installation à Tours.
1800 : engagement dans la compagnie de vétérans d'Indre-et-Loire.
1804 : nomination à la Légion d'Honneur.
1807 : le 10 avril, décès à Tours.
Tout est clair, c'est bien, c'est beau. Mais hélas, il y a de bonnes chances que cette chronologie impressionnante soit le résultat d'une mystification créée par Jean Thurel lui-même.
Avant de passer au travail de recherche qui remet de nos jours sa longévité en cause, je vous laisse un petit récapitulatif chronologique de la vie "officielle" de Jean Thurel (en gras, les événements qui me semblent les plus significatifs) :
1699 : le 8 septembre, naissance à Orain.
1716 : enrôlement dans le régiment de Touraine au poste de fusilier.
1733 : mobilisation dans la guerre de succession de Pologne.
1738 : Thurel quitte le régiment de Touraine puis s'engage dans le régime de dragons de Bauffremont.
1744 : Thurel quitte le régiment de dragons de Bauffremont et s'engage dans un régiment de la cavalerie en Anjou.
1745 : mobilisation dans la guerre de succession d'Autriche et bataille de Fontenoy.
1750 : mariage avec Anne Rabiet.
1751 : naissance de son premier fils, Dominique.
1759 : bataille de Minden au cours de la guerre de Sept ans.
1767 : naissance de son second fils, Jean-Baptiste.
1769 : naissance de sa première fille, Jeanne.
1773 : naissance de sa seconde fille, Madeleine Nicole.
1780 : départ pour la guerre d'indépendance américaine.
1781 : bataille de Yorktown.
1782 : décès de son fils Dominique au cours de la campagne américaine.
1783 : retour du régiment en France.
1784 : demande l'augmentation de sa pension.
1787 : rencontre le roi Louis XVI à Paris.
1788 : reçoit la triple médaille de vétérance.
1792 : départ pour la pension, installation à Tours.
1800 : engagement dans la compagnie de vétérans d'Indre-et-Loire.
1804 : nomination à la Légion d'Honneur.
1807 : le 10 avril, décès à Tours.
Tout est clair, c'est bien, c'est beau. Mais hélas, il y a de bonnes chances que cette chronologie impressionnante soit le résultat d'une mystification créée par Jean Thurel lui-même.
... Qui tient peut-être seulement de la légende
Un chercheur français nommé Jean Thévenot a travaillé sur la vie de notre soldat centenaire et en a publié une biographie en 2007. Mais d'après ses recherches, de nombreuses zones d'ombres et incohérences apparaissent dans le parcours de Jean Thurel et permettent d'accréditer la possibilité que la longévité remarquable de ce personnage ne soit pas due à une robustesse de santé particulièrement impressionnante mais plutôt à une fraude. Le cas célèbre du plus vieux soldat d'Europe ne serait-il alors qu'une vaste supercherie ?
Pour Jean Thévenot, beaucoup d'éléments retiennent l'attention, notamment les curieuses mentions du recours au consentement paternel du marié sur l'acte de mariage de Jean Thurel en 1750. Or, à cette date, Jean Thurel est supposé être âgé de cinquante ans déjà. D'autres corrélations sur des documents administratifs et militaires de cette époque permettent de découvrir que Jean Thurel avait en réalité probablement le même âge que son épouse et qu'il serait né vers 1725, et non en 1699. De ce fait, il n'est pas mort à 107 mais à "seulement" 81 ans, âge bien plus raisonnable pour l'époque.
Pourquoi personne ne s'en est-il rendu compte à l'époque ? Sans doute est-ce dû aux approximations des sources que l'administration avait à sa disposition, d'erreurs et de l'habileté de Jean Theurel à tirer parti de ce flou pour sa situation. Il est probable que cette mystification autour de son âge était une façon de s'attirer plus facilement des augmentations de pensions. Pour Jean Thévenot, il est intéressant de noter qu'un groupe de jeunes conscrits au nombre exact indéterminé se trouvait dans la région d'Orain et tous ces hommes naquirent vers 1699-1700. Le choix de cette fausse date de naissance vient peut-être de là. Selon l'analyse du chercheur, c'est la rencontre avec Mirabeau (frère du célèbre orateur de la Révolution) qui a engendré l'emballement autour du cas de ce soldat, alors que cette histoire aurait fort bien pu passer inaperçue encore longtemps et rester dans l'ombre, sans jamais que Thurel ne devienne célèbre. Le souci d'obtenir la pension la plus élevée possible pour lui et sa famille explique également que Jean Thurel ait pu jouer si longtemps sur cette légende qui lui prêtait un âge canonique qu'il n'avait probablement pas.
On peut également penser que les exagérations de Theurel lorsqu'il racontait ses souvenirs de la rencontre avec Louis XVI devait être mises par ses interlocuteurs sur le compte de son grand âge. La popularité du personnage et les erreurs qui s'ajoutèrent dans les documents administratifs et les registres au fur et à mesure que la mystification grossit n'en auront probablement que mieux permis à la fraude de durer dans le temps. D'autant plus qu'à la mort du soldat Thurel en 1807, la famille devait trouver le moyen de conserver au maximum les ressources octroyées au plus vieux des soldats.
Je dois bien admettre que j'étais profondément déçu lorsque je suis tombé sur cette version de la vie de Jean Thurel car elle détruit entièrement cette belle histoire. Il y a peut-être une infime chance que ce soit la mystification qui soit fausse, faite par Jean Thurel lui-même pour des raisons que l'on ignore. Mais hélas, trois fois hélas, cela semble bien improbable.
Mais la légende est forte et malgré les travaux récents de Jean Thévenot sur la question, il est probable que l'on parlera encore longtemps de l'histoire du soldat Jean Thurel, né sous Louis XIV et mort sous Napoléon Ier, qui vécut jusqu'à l'âge de 107 ans.
Au bout de 200 ans, peut-être la légende a-t-elle le droit de de coexister avec l'Histoire...
Sources :
Wikipédia (désolé)
Article Guerre de Succession de Pologne sur l'encyclopédie en ligne larousse.fr
Dominique Vallaud, définition Succession de Pologne (Guerre de, 1733-1738), in Dictionnaire historique, 1997, p. 900.
Article Bataille de Fontenoy (11 mai 1645) sur l'encyclopédie en ligne larousse.fr
Dominique Vallaud, définition Fontenoy (bataille de, 1745), in Dictionnaire historique, 1997, p.352.
Article Guerre de Sept Ans sur l'encyclopédie en ligne larousse.fr Dominique Vallaud, définition Sept Ans (guerre de, 1756-1763), in Dictionnaire historique, 1997, p.869-870.
Dominique Vallaud, définition Indépendance américaine, in Dictionnaire historique, 1997, p. 473.
Dominique Vallaud, définition Yorktown, in Dictionnaire historique, 1997, p. 996.
Lucien Decombe, Rennes, Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, tome 14, 1880, p.325-336, sur le site gallica.bnf.fr
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